Le Prieuré de Breuil-Bellay, toute une histoire!


Un Prieuré en Anjou.

Au début du XIIème siècle, Etienne de Muret est l’inspirateur de l’ordre de Grandmont (« Ordre des Bonshommes »), ordre qui s'inscrit dans le renouveau du monachisme des XIème et XIIème siècles.

Né vers 1076 dans les monts d'Ambazac au nord de Limoges, l'ordre s'implante en Anjou à partir de 1177, date de la fondation du prieuré de la Haie aux Bonshommes près d'Angers.

Son premier bienfaiteur est Henri II Plantagenet, roi d’Angleterre, duc d’Aquitaine et de Normandie, comte d'Anjou. Très présent dans la région, il dit venir chaque année près de Saumur. Dans une charte datée de 1155, il donne à l'Ordre cinq maisons situées en Touraine et en Anjou, dont Monnays dans le Baugeois et la Haye aux Bonshommes près d'Angers.

Pour contribuer à la vie matérielle de ces nouveaux lieux de prière, il constitue une rente de deux sous par jour à prendre chaque année sur son comté d'Anjou. De plus, il institue cinq hommes libres, quatre à Angers et un à Monnays, qui doivent, moyennant exemption d'impôts et logement, se mettre au service des religieux. Régisseur, domestique ou économe ? La règle de l’ordre de Grandmont interdisant aux frères le droit de gérer eux-mêmes leurs biens, on peut supposer qu'un laïc soit chargé de s'en occuper.

En 1192, Richard dit « Cœur de Lion », fils du roi Henri II, confirme les généreux privilèges de son père et les complète par des exemptions d'impôts conséquentes pour le personnel travaillant sur le domaine des prieurés.

Le 15 décembre 1194, le Breuil Bellay apparaît pour la première fois dans les lettres patentes de Richard comme annexe de l'abbaye de Monnays. Le couvent recevra, à titre d'aumône, la rente annuelle de deux sols par jour à prendre sur son domaine de Saumur, ainsi qu’un homme libre, hébergé en vallée .De nombreuses copies de ces lettres patentes, « scellées du grand sceau de cire verte en lacis de soie rouge et verte » seront effectuées en 1674, en 1680 et en 1701... et la rente sera assez régulièrement versée !

Les rois de France, de Philippe V en 1328 jusqu'à Louis XV en 1726 confirmeront ces privilèges. En 1739, la somme versée annuellement par les domaines de Saumur est de 36 livres Tournois.

Le domaine du Breuil Bellay se construit. En 1196, Berlay, seigneur de Montreuil-Bellay fait rédiger une première charte, confirmée par une seconde en 1200 et une troisième en 1208, cette dernière longtemps considérée comme l'acte de fondation.
Il offre aux religieux les terres qu'il possède dans sa forêt du « Broil, pour que les frères y posent les fondements d'une nouvelle plante », des revenus financiers ainsi que des terres avoisinantes.

Pendant tout le XIIIème siècle, les donations affluent, provenant de seigneurs locaux tels la famille de Montreuil-Bellay, la dame de Vivy, le seigneur de la Mimerole ou de religieux comme l'évêque d'Angers et l'archiprêtre de Saumur. Les donations des familles nobles à un prieuré, généralement bien tenu et servi par des clercs souvent éclairés, représentent avant tout un investissement. Qu’il s’agisse d’un bois, de quelques pièces de terre, d’un village ou même d’une église, elles s’effectuent le plus souvent en échange de messes : ce sont des « rentes-prières », destinées à l'âme des défunts de la famille ou pour effacer des péchés.

En 1320, le pape Jean XXII certifie le prieuré du Breuil Bellay comme annexe de Monnays. Des grands noms de l'Histoire apparaissent au fil des siècles dans les donations faites au prieuré : Yolande d'Aragon, duchesse d'Anjou, Jeanne de Laval, sa belle-fille et seconde épouse de René d'Anjou, le duc de Richelieu, un régent de l'Académie protestante de Saumur, les comtes de Montsoreau…

Deux grands domaines, gérés par les fermiers du temporel, constituent d'importantes sources de revenus : La seigneurie d'Avoir à Longué et le fief des Champs-Girard aux Rosiers. Richement dotés, ces terres, bois, vignes et habitations contribuent à l'épanouissement des deux prieurés mais ils donnent aussi lieu à de nombreux procès, courriers et réclamations.

Au début du XVIIème siècle, le prieuré de Monnays et son annexe du Breuil Bellay connaissent de graves remous. En 1615, des « abus commis aux règles des prieurs conventuels » contraignent les religieux à faire appel au Chapitre Général : Le prieur commendataire, Anne de Couesnon, individu peut recommandable et passablement vénal, ne verse que chichement la portion congrue qui leur est destinée et n'entretient ni les bâtiments conventuels, ni les deux églises.

Les quatre religieux qui demeurent à Monnays tombent malades, empoisonnés par les brouillards délétères et les marécages non entretenus. Ils souhaitent alors s'installer au Breuil-Bellay, où « l'air est beau, sain et agréable, la demeure confortable ». Anne de Couesnon, ravi de se débarrasser de ces moines grincheux, leur accorde volontiers cette «faveur » : en effet, les frères étant tous regroupés au Breuil-Bellay, il n'aura plus la charge de l’entretien des bâtiments de Monnays se contentant d’y abriter un prêtre pour y assurer la messe.

Par acte passé devant le notaire apostolique Mathurin Bouzier, il s'engage toutefois à effectuer les réparations de l'église, des cloitres et des dortoirs tant au Breuil-Bellay qu'à Monnays, à augmenter de manière conséquente la portion congrue des frères et à fournir le Breuil-Bellay en linge d'église et vêtements sacerdotaux dignes du service divin. Pour financer ces dépenses supplémentaires, il accorde au Breuil-Bellay exclusivement, les revenus de la seigneurie d'Avoir, perpétuellement en procès, et ceux du fief des Champs-Girard. Anne de Couesnon sera par la suite convaincu d’émettre de la fausse monnaie et mourra décapité…

Le frère Mathurin Marciallet, devenu le premier prieur du Breuil-Bellay, et les trois religieux qui l’accompagnent, s'installent au prieuré. Devant l'urgence des travaux à réaliser, le Chapitre Général de l'Ordre entreprend les réparations, espérant les remboursements promis devant notaire.
Ces promesses ne seront pas tenues...

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En 1620, Jacques ROUSSELE succéda à Anne de COUESNON comme prieur concordataire. En 1627, le prieur claustral venant de décéder, les religieux élisent un nouveau prieur, mais cette élection fut cassée par l'Abbé Général de Grandmont, à qui revenait de droit les quatre premières nominations qui suivaient son "joyeux avènement"! C'est vers cette date que fut nommé un nouveau prieur commendataire, Jean CHARTIER.

Celui-ci était régent de la Faculté de Médecine de Paris et demeurait au Collège de Navarre à Paris. Il résigna sa charge de prieur au profit de son frère Louis-Théandre le 22 octobre 1631, moyennant une pension à vie de 400 livres à valoir sur les revenus du prieuré.

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A son tour, Louis Théandre CHARTIER résignera sa charge en faveur de son demi-frère, René CHARTIER, le 7 octobre 1639.

On trouve dans les minutes des notaires du Châtelet de Paris, une quittance du 6 septembre 1640, entre l'ancien Prieur, Louis Théandre CHARTIER, escuyer, seigneur de Laubinière, et le nouveau, René CHARTIER, d'une maigre compensation financière de 94 livres Tournois versée au profit des religieux du Breuil avant son départ pour le Canada.

• En 1686 , « ladite maison consiste en l'église, dortoirs, cloîtres, chambres hautes et basses, granges, écuries, caves, cours, jardins, clos de vigne, fuye, bois, taillis, terres labourables et pastureaux, tout en un tenant, renfermé de murailles, hayes et fossés.. ».

• En 1723 , un seul religieux et deux domestiques habitent le monastère ; le prieur « appréhende tous les jours d'être enseveli sous les ruines de son cloître ».Un domestique sert à l'autel, l'autre au jardin. Ils seront trois religieux en 1730.

• En 1726 , « tous les bois qui entourent la maison sont de bois taillis rempli d'espines, de genièvre et de brandes, très peu de bois de chêne, ni de haute futaye, lesquels bois n'ont jamais été visités par Messieurs des Bois et Forêts ».

• En 1751 , le cloître n'existe plus, remplacé par une cour. Au moment de la Révolution française, le bien est vendu comme bien national à Charles-Henri Marie, comte de Gourjault originaire de la généralité de Limoges et colonel de cavalerie, qui émigre. En seconde main, le 14 messidor an IV (2 juin 1796) Maurice Léger, de Montreuil Bellay, receveur des domaines nationaux, rachète le domaine qui comprend une maison de maître, les logements du métayer, un clos renfermé de murs au-devant de la maison, deux autres clos le joignant, des pièces de terre, des vignes et des bois.

• En 1796 , Jean-Louis Jolly, originaire de St Léger de Montbrillais dans la Vienne, anciennement vicaire à St Maurice d'Angers, rachète l'ensemble du domaine. Il a épousé en 1793 à Angers Anne- Louise Verrye.

• En 1807 , leur fille, Aimée-Louise naît au Breuil Bellay et épouse en 1828 dans la commune de Cizay la Madeleine, Ferdinand Mars-Larivière. Le couple habite Saumur, rue du Portail Louis, le Breuil-Bellay étant leur maison des champs.
Leur unique fille, Lydie, épouse en 1853 Henri Cherbonnel. Ce sont les parents d'Alice Cherbonnel, mieux connue sous le nom de Jean de la Brète , auteur à succès du début du XXème siècle. Elle rédige l'essentiel de son œuvre au Breuil Bellay, trente-deux romans destinés aux jeunes filles et femmes de son époque, bien dans le goût du jour, romantiques et moralisateurs. Elle y meurt sans descendance le 23 août 1945.
 Cet ancien monastère construit pour des hommes aura été transmis depuis plus de 200 ans par des femmes! 
Il sera brièvement la propriété  de l'un de ses cousins, Monsieur Roger TREZEL, champion du monde de Bridge et auteur d'une méthode de jeu qui fait toujours autorité. Celui-ci le cède en 1951 à Monsieur Marcel POTEZ. Le prieuré restera deux générations dans cette famille jusqu'à sa vente en 2014 à Monsieur de Rivière de La Mure, son actuel propriétaire.
Depuis cette date, la vénérable demeure s'ouvre aux habitants de Saumur et du saumurois : des chambres d'hôtes ont été créées et des manifestations culturelles de toute nature en font un lieu d'animation de plus en plus couru.  

En Savoir plus

( Source : Anne et Bernard Faucou - 10H2-11H2-11H9-14H16
Archives départementales du Maine et Loire ) 

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