Cette statue n’avait jamais quitté l’église du prieuré du Breuil-Bellay avant 2003, année où elle fut prêtée par le précédent propriétaire des lieux à l’abbaye de l’Epau près du Mans pour être présentée dans le cadre de l’exposition « Terre et ciel » consacrée à la sculpture en terre cuite du Maine des XVIe et XVIIe siècles. Cette escapade, qui devait initialement durer le temps de cette exposition, s’est finalement révélée sans retour.
Placée ensuite en dépôt au Musée de Tessé du Mans à l’initiative de son propriétaire, la statue a en effet été mise en vente à l’hôtel des ventes d’Angers par les héritiers de ce dernier et a été adjugée le 25 février 2015 pour la somme de 30 000 € à un particulier qui la destinait sans doute à sa collection privée.
Son classement en tant que Monument historique en 1964 lui vaut du moins de rester interdite à l’exportation sans autorisation préalable du Ministère de la Culture.
Cette statue en pied de 1,50 m de hauteur faisait partie d’un groupe sculpté qui ornait le grand retable baroque du maître-autel de l’église du prieuré, groupe attribué à la main du sculpteur Pierre Biardeau. Cette origine est d’ailleurs attestée par l’artiste lui-même dans un écrit de 1701 conservé à la Bibliothèque municipale d’Angers.
Réalisée en terre cuite, à l’origine polychromée, elle représente un religieux en costume de diacre « la tête levée qui dégage le col puissant, tournée vers la droite…, la bouche… légèrement ouverte et les fortes mains qui se joignent pour la prière » selon Maurice Brillant qui faisait l’éloge des draperies en ces termes « La fine et souple tunique contraste agréablement avec la lourde étoffe du manteau ou de la dalmatique ».
Malgré l’aube et la dalmatique revêtues par le personnage, cette sculpture ne semble pas représenter le diacre saint Etienne de Muret, inspirateur de l’ordre de Grandmont malgré sa dalmatique, mais plutôt saint Etienne, diacre lui aussi et premier martyr de la chrétienté qui a été à l’origine du culte des saints.
Bien avant la Révolution, les habitants des environs prêtaient à ce saint le pouvoir de guérir les maux de gorge et, en particulier, les enfants atteints de coqueluche. Ayant oublié son nom véritable, ils le surnommèrent saint Coqueluchon. De nombreuses invocations (ou ex-votos) gravés sur les murs témoignent de la persistance de cette dévotion populaire jusqu’à la fin des années 1950.
Il est tout a fait regrettable que cette œuvre intimement liée à l’histoire de ce lieu pour lequel elle fut créée et fleuron du patrimoine du Maine-et-Loire n’ait pu être acquise par un musée du département.
1 - Pendant la Contre-Réforme entreprise au XVIIe siècle, l’Église catholique décida de réaffirmer son identité en mettant en particulier les arts à contribution pour séduire les fidèles et les éloigner de l’austérité des temples protestants. Il faut noter que l’installation d’un retable baroque au XVIIe siècle dans le sanctuaire d’une église grandmontaine était en totale contradiction avec l’esprit de simplicité et d’austérité voulu par l’ordre.
2 - Pierre Biardeau (Le Mans 1608 – Angers 1671). Il était le fils cadet du sculpteur René Ier Biardeau. Son frère aîné, René II Biardeau (1606 – 1651) ayant pris la succession de son père, Pierre Biardeau quitta Le Mans pour s’installer à Laval où il fut lié à l’école lavalloise des retables. On attribue à ce sculpteur plusieurs statues de l’église Saint-Vénérand de Laval (Une Vierge à l’Enfant, un Saint-Sébastien et un Saint-Vénérand) réalisées au début des années 1630. Vers 1635, Pierre Biardeau s’installa à Angers et travailla pour le couvent des Augustins de la ville entre 1636 et 1637. Il réalisa plusieurs œuvres pour les Augustins à Paris (1647), Poitiers (vers 1660), La Rochelle (1665) et Montmorillon (1667). Près d’Angers, il réalisa dans la chapelle d’un ancien manoir un véritable chef d’œuvre, les Saints de la Barre exécuté entre 1659 et 1664.
En 1650, Pierre Biardeau exécuta la décoration du grand autel du Breuil-Bellay mutilé pendant la Révolution.
3 - Maurice Brillant dans son article intitulé « Pierre Biardeau et la sculpture angevine en terre cuite au dix-septième siècle » publié dans le Correspondant du 10 février 1921.B.So. Ar. Hist du Limousin, T.70 mars 1922.
4 - Saint Etienne apparaît dans les Actes des Apôtres au chapitre 6 où il est présenté comme un juif helléniste converti au christianisme. Saint Etienne mourut lapidé en l’an 36 hors les murs de Jérusalem.
Free AI Website Builder